Librairie des Champs-Elysées

OUVARD Jacques – Frère Boileau sur les roses

Réf: pt-lcejofbslr
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Description

Extrait

1/   Qu’un clochard s’acagnarde au contrefort d’une église pour y dormir abrité du vent du matin, est-ce tellement courant ? Ce n’est pourtant pas un exploit. Durant les neuf siècles d’existence de Saint-Youl, la chose a dû se produire bien des fois. Ce matin-là, les femmes, des jeunes mères, des servantes de magasin, quelques commerçantes venues dans leur robe du dimanche pour la messe de l’aurore, ne sont pas sans s’étonner. Au pied d’un des contreforts carrés qui montent la garde au porche, un homme dort. Effrayées ? Il en faut plus pour ces femmes de tête qui, tous les jours, se collettent avec la vie et ses difficultés.

   - Vous avez remarqué, madame Petitbois ?

   - L’homme qui sommeille là-dehors ? Bien sûr ! Je n’ai pas mes lunettes. Mais cela ne m’a pas empêchée de l’apercevoir.

   - Un pauvre. Qui ça peut-il être ?

   - Il y a eu tellement de monde dans les rues, cette nuit, avec ce festival !

   - Et tout ce bruit, madame Angot !

   - Des autos… Des autos… ! Comme jamais. Et, jusqu’à minuit ces aboiements de haut-parleurs ! Vous avez-t’y pu dormir ?

   - pensez-vous ! Heureusement, c’était samedi. On peut se rattraper aujourd’hui, faire la grasse matinée.

   Elle dit cela, cette femme tôt levée ! Mais elle pense sans doute, à son mari et ses enfants.

   - Et quelle musique étrange ! L’avez-vous écoutée ?

   - Moi, écouter ça ! De la musique nègre, ma bonne ! Tam-tam et claquettes.

   - Où sont les airs si beaux de notre jeunesse ! Ah, madame Petitbois, comme ils ont chanté en nous, Gounod, Saint-Saëns, Offenbach… Et comme ils sont oubliés ! Le monde est fou !

   - Chez vous, quelqu’un est-il allé au théâtre des Remparts ?

   - Voir quoi ? Une pièce païenne, pleine de dieux et de déesses… une pièce des anciens temps ?

   Le tintement de la cloche met fin à ces considérations. L’office se déroule dans le recueillement habituel du matin. Mais, à la sortie, l’homme est toujours là. Une vague inquiétude s’empare des sortantes.

 

2/   Ce que femme veut, Dieu le veut. Dès son retour en famille, au repas du soir, Babette met le père Boileau sur le tapis.

   - Où habite-t-il ? Comment le trouver ?

   Le lendemain, elle va voir l’homme dont tout le monde, autour d’elle, parle depuis des mois.

   - Ma petite demoiselle, je n’ai aucune envie de faire un métier qui n’est plus le mien. J’ai quitté tout ça. L’affaire de Provins ? La police l’a prise en main. C’est son rôle. Elle le fait très bien. Pourquoi voulez-vous que je fasse mieux qu’elle ?

   Le père Boileau l’a reçue au parloir de sa résidence parisienne. Assis sur une chaise dure, il l’a poussée dans un fauteuil et il la détaille, amusé. Avec ses escarpins à talons, sa mini-jupe qui ne cache pas grand-chose, son chemisier sévère, se cheveux courts, il lui trouve à la fois un air très moderne et très vieux jeu.

   - Mon oncle vous connait.

   -  Votre oncle ?

   - Vous souvenez-vous du dîner de noces de la jeune mariée…

   - J’y suis ! Celle qui fut assassinée à minuit ! Ainsi votre oncle était parmi les invités ?

   - Et parmi les suspects aussi. Il n’a jamais oublié. Vous l’avez ébloui. « Un homme… un vrai… un dur… et avec ça l’intelligence même… », dit-il souvent.

   On a beau s’être fait religieux, avoir quitté fortune, succès, situation, espérances… on n’en demeure pas moins homme. Et Boileau se sent flatté de l’admiration qui émane de ce jeune corps harmonieux. C’est peut-être une des tentations les plus subtiles de la vie. « Même un goujat écrivait Pascal, veut être admiré… »

 

Descriptif

Editions Librairie des Champs -Elysées de 1970, état général moyen, couverture souple, tranche et dos moyennement marqués, pages jaunies, tranches des pages moyennement salies, livre d’occasion broché format poche de 11,8x17,7 cm, 192 pages

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