Plon

DE VILLIERS Gérard – SAS Roulette cambodgienne

Réf: esp-pgdvsasrc
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Description

Extrait

1/   La transpiration imprégnait la chemise de voile de Malko, en dépit du grand ventilateur qui tournait derrière lui. Une chaleur moite, étouffante, impitoyable transformait en étuve la véranda surplombant l’immense piscine illuminée ; même le grand fromager ombrageant les trois tables n’arrivait pas à donner de fraîcheur. Des cambodgiens silencieux, gantés de blanc évoluaient avec une aisance irréelle dans la lueur dansante des bougies pour satisfaire les moindres désirs des invités.

   Malko ne s’était pas attendu à trouver ce raffinement à Phnom Penh. Les vins étaient venus de Singapour, en avion. Le château Margaux 1957 qui accompagnait le fromage n’aurait pas déparé un dîner chez Maxim’s.

   Les hommes étaient en cravate, sans veste, les femmes en sampot ou en robes longues. On s’attendait presque à voir surgir le ballet Royal.

   La voisine de Malko, une Cambodgienne, resta soudain la fourchette en l’air.

   - Cela tire pas mal du côté du Tonlé Sap, remarqua-t-elle. « Ils » sont dans la grande île.

   Malko écouta. Une sourde canonnade grondait dans le lointain, agrémentée du crépitement lent des mitrailleuses de 50. Seul signe que la vie n’était pas complètement normale à Phnom Pen. L’étau des Khmers rouges ne se desserrait pas depuis plusieurs semaines. La nuit, on entendait encore mieux les rumeurs de la bataille.

   A la table voisine, le maître de maison, Mali Kuala diplomate attaché à l’ambassade de Malaisie, se leva entraînant ses invités vers le bord de la piscine où le café était servi. De confortables matelas recouverts de soie thaï en parsemaient les abords. Très sombres de peau, les yeux protégés par des lunettes noires, les traits réguliers, le corps mince et musclé, Mali Kuala était irréellement beau. Malko se dit qu’il devait user et abuser du corps diplomatique de Phnom Penh… Et que les femmes ne devaient pas rester insensibles à son charme.

 

2/   - J’aime beaucoup Monsieur Frankel, énonça-t-il. C’est un homme qui comprend bien le Cambodge…

   Malko accepta le compliment sans commentaire. Son interlocuteur s’appuya à un gigantesque réfrigérateur et soupira.

   - Nous sommes dans une situation difficile. Le Maréchal n’a pas le sens des réalités. Je ne l’aime pas du tout. Et la situation militaire est très mauvaise. Très, très mauvaise.

   Propos inattendus dans la bouche du chef de la police politique du régime ! Malko approuva sans se compromettre. Le colonel Lean, comme s’il avait été trop loin, corrigea :

   - Je n’aime pas beaucoup l’Autre Côté non plus.

   Un lieutenant entra, s’approcha du colonel et salua. Ils échangèrent quelques mots. Le chef de la police spéciale demanda à Malko de s’écarter pour qu’il puisse ouvrir la porte du réfrigérateur.

   Machinalement, il jeta un coup d’œil à l’intérieur. Sentit son cœur descendre dans ses talons. Croyant à une plaisanterie macabre.

   Sur toutes les étagères de l’énorme réfrigérateur s’alignaient des têtes humaines ! Coupées au ras du cou avec, chacune une étiquette jaune accrochée à l’oreille. L’odeur écoeurante du formol s’échappant de la porte ouverte prit Malko aux narines. Sans s’occuper de lui, le colonel Lean farfouilla dans l’étagère la plus basse et en sortit la tête aux yeux clos d’un homme qui avait été jeune et beau, avec un visage allongé gâché par un éclat d’obus qui lui avait enlevé en partie le menton. Il referma la porte sur cette vision d’horreur et tendit la tête au lieutenant. Celui-ci remercia d’un sourire et sortit sans manifester la moindre émotion, tenant à bout de bras la tête par les cheveux.

 

Descriptif

Editions Plon année 1974, Assez Bon état général, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 256 pages

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