Julliard

ANGLADE Jean – La Noël aux prunes

Réf: rf-jjanp
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Description

Extrait

1/   Tout d’ailleurs dans cette église inspirait l’effroi. Après le catéchisme, ils gagnaient la sortie en traversant aussi vite que possible les ténèbres du fond. Là se dressait le confessionnal, la guérite grillagée où don Arquimedes peinait à introduire sa volumineuse personne ; le bois des deux logettes réservées aux pénitents était comme noirci par l’aveu de millions de péchés. Là étaient aussi remisés, derrière les bancs, le catafalque et ses accessoires, chevalet, drap noir marqué de larmes blanches. Et juste sous la tribune, le cercueil municipal, debout contre le mur comme une horloge. C’était une caisse en bois de pin qui servait au transport des cadavres indigents. Sans autre parure que les quatre poignées de fer rouillé, une croix brune peinte sur le couvercle et une série de coches gravées dans le flanc. On y enfermait la dépouille jusqu’au cimetière où elle était déposée en bordure de la fosse commune. Elle y restait jusqu’à la nuit tombée. Alors, discrètement, Quico Palomo, le fossoyeur, venait tirer les quatre chevilles qui fixaient le couvercle et vidait le défunt dans le trou comme un chien crevé. Il le recouvrait ensuite de déblai, récupérait la caisse et le rapportait sur sa voiture à bras jusqu’à l’église où elle attendait une autre occasion de servir. Avant de la redresser contre le mur, il tirait son couteau et ajoutait une coche. Il y en avait bien déjà quinze ou vingt.

 

2/   Malgré leur participation à ces travaux, les paumes des trois fils Alcacer ne prenaient guère de cals. L’école devait les garder jusqu’à l’âge réglementaire de quatorze ans ; après quoi, chacun s’en irait sur la voie qu’il aurait choisie et méritée. Manuel aspirait à devenir instituteur, Esteban espérait faire son chemin dans le dessin ou la peinture, Bernardo, les plus jeune, serait volontiers devenu f=garde civil, à cause du fusil, de l’uniforme vert, du bicorne noir, mais son père travaillait à lui chasser de l’esprit cette ambition honteuse, n’importe quoi plutôt que civilon, pourquoi pas cureur de fossés ? Quant au métier qui épargne le mieux les mains, celui de prêtre, il était également exclu, les pratiques religieuses disparaissaient peu à peu de la famille, sauf celles que rendait obligatoires l’amende de trois pesetas. Sauf aussi chez grand-père Orge Verte qui se faisait de plus en plus dévot en devenant de plus en plus vieux et passait ses heures oisives à marmonner des prières. Aux veillées d’hiver, il se tenait immobile sur sa banquette, courbé vers le foyer de sarments, les deux mains repliées sur son chapelet, sourd à ce qui se racontait autour de lui, plongé dans ses patenôtres. Seules ses lèvres remuaient. Parfois une goutte se formait au bout de son nez crochu, irisée par les reflets du feu. Les enfants la regardaient se balancer longuement, s’étirer, hésiter, se posant l’un à l’autre la question, tombera, tomberas pas ? Elle finissait toujours par tomber, par s’évaporer dans les flammes. Ils se disaient : à la suivante. Souvent il passait de la prière au sommeil et s’assoupissait, la tête penchée sur l’épaule. Le bruit des voix, le cliquetis des objets, le craquement des chaises le berçaient longtemps. Tout à coup, il se réveillait confus, et s’écriai très fort, pour laisser croire qu’il avait suivi les conversations :

   « C’est comme ça !... C’est bien comme ça que les choses se passent ! »

 

Descriptif

Editions Julliard année 1983 ISBN 2260003265, Etat général Assez Bon, couverture souple, tranche et dos un peu passés et marqués, pages moyennement jaunies, tranches des pages un peu salies, livre d’occasion broché grand format de 14,2x22,7 cm, 300 pages

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