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CAPEK Karel – L’année du jardinier

Réf: re-1018de3142
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Description

Titre original « Zahradnikuv Rok » Karel Capek, 1929.

Traduit du tchèque par Joseph Gagnaire

Illustrations de Joseph Capek

Extrait 1

Janvier

   « Le mois de janvier lui-même, n’est pas une période de repos pour le jardinier », disent les manuels de jardinage. Certainement pas : car, en janvier, le jardinier cultive surtout le temps. C’est une drôle de chose que le temps ; il n’est jamais conforme à la normale séculaire ; elle la dépasse toujours de 5 degrés à moins qu’elle ne lui soit inférieure d’autant. Quant aux pluies, si elles ne sont pas inférieures de dix millimètres à la normale, elles lui sont supérieures de vingt millimètres ; s’il ne fait pas trop sec, il fait inéluctablement trop humide.

   Si les gens eux-mêmes que cela ne regarde pas ont tant de motifs de se plaindre du temps, que doit dire le jardinier ! S’il tombe peu de neige, il gronde, avec raison, que c’est tout à fait insuffisant ; s’il en tombe beaucoup, il manifeste de sérieuses craintes que cela ne lui brise ses conifères et ses rhododendrons. S’il n’y a pas de neige du tout, il se lamente sur les dégâts que font les gelées blanches. Le dégel survient-il, il maudit les vents furieux qui l’accompagnent et qui ont l’odieuse habitude de disperser à travers le jardin les couvertures de paille et de branchages et qui pourraient bien – puissent-ils aller au diable – lui rompre quelque arbuste. Si le soleil a l’audace de briller un peu en janvier, le jardinier se prend la tête à deux mains, car la sève de ses arbrisseaux va monter prématurément. S’il pleut, il craint pour ses fleurs alpestres ; s’il fait sec, il pense avec douleur à ses rhododendrons et à ses andromèdes. Et pourtant il ne serait pas bien difficile de le contenter : il lui suffirait que, du 1er au 31 janvier, il y eût 9/10 de degré au-dessous de zéro, cent vingt-sept millimètres de neige (légère et, autant que possible, fraîche), un ciel presque constamment nuageux, pas de vent ou des vents d’ouest modérés, et tout irait bien. Mais voilà : personne ne se soucie de nous autres, jardiniers, et personne ne nous consulte sur ce qui devrait être. Et voilà pourquoi ce monde va de la sorte.  

 

Extrait 2  

   D’aucuns prétendent qu’il fait mettre du charbon de bois tandis que d’autres le nient. Certain recommandent un peu de sable jaune, parce que, disent-ils, il contient du fer, mais d’autres le repoussent pour cette simple raison qu’il contient du fer. D’autres encore sont partisans du sable de rivière pur, d’autres de la simple tourbe et d’autres de la sciure de bois. Bref, la préparation de la terre à semences est un grand mystère et comporte des cérémonies magiques. Il faut y mêler de la poussière de marbre (mais où la prendre ?), de la bouse de vache de trois ans (ici, on se demande si cette indication d’âge se rapporte à la vache ou à la bouse), une pincée de terre de taupinière fraîche, de l’argile réduite en poudre prise dans une vieille étable à porcs, du sable de l’Elbe (mais non pas de la Vltava), de la terre de bûcher vieille de trois ans et peut-être encore de l’humus de fougère dorée ainsi qu’une poignée de terre prise sur la tombe d’une vierge pendue ; il faut mélanger tout cela suivant les règles (les manuels de jardinage ne disent pas s’il faut le faire à la nouvelle lune, à la pleine lune ou pendant la nuit de saint Philippe et saint Jacques) ; et lorsque vous versez cette terre mystérieuse dans vos pots de fleurs (trempés dans de l’eau stagnant depuis trois ans au soleil et remplis dans le fond de tessons bouillis, mêlés à des morceaux de charbon de bois, ce qui reste est nié par d’autres auteurs), lorsque donc vous avez fait tout cela, en observant des centaines de prescriptions qui diffèrent du tout au tout, ce qui rend singulièrement difficile cette cérémonie, vous pouvez vous attaquer à l’essentiel de l’opération, c’est-à-dire que vous pouvez semer vos graines.

   Pour ce qui est des graines, quelques-unes ressemblent à du tabac à priser, d’autres à des lentes claires et fauves, d’autres à des puces brillantes et d’un rouge sombre qui n’auraient pas de pattes : certaines sont plates comme des sous, d’autres pleines et rondes, d’autres fines comme des aiguilles ; ailées, piquantes, duveteuses, nues et velues ; grosses comme des cafards ou menues comme des graines de tournesol. J’atteste que chaque espèce de graines est différente des autres et que chacune est étrange ; la vie est compliquée. De ce monstre emplumé il ne sortira qu’un petit chardon bas et sec, alors que cette lente jaunâtre donnera naissance à un énorme cotylédon ? Que faire ? je n’en veux rien croire.

 

 

Descriptif

Editions 10/18 3142 de 2011 ISBN 9782264056016, bon état général, couverture souple, tranche et dos légèrement marqués et passés, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x17,8 cm, 168 pages   

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