Le livre de poche

COURTELINE Georges – Ah ! jeunesse !

Réf: rf-ldp1386
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Description

Dans ce recueil

- A ! Jeunesse !

- L’Ami des Lois

- Lauriers coupés

- Au Temple

- Ferme ta malle !

- Cochon de Médard 

- Suggestion

- La Maison insalubre

- Le Constipé récalcitrant

- La Mégère apprivoisée

- Souvenirs de l’Escadron

- La Gourde

- La Vache

- Le Pointeur de Cloches

 

Extrait 1 de « A ! Jeunesse ! »

   « Ah oui, elle est bête, la jeunesse, fit notre ami le gros Claudio, une pointe d’impatience dans la voix. Bête !... qui le saurait assez dire, à quel point la jeunesse est bête, quand elle s’y met ? Ma parole, il y a des moments, lorsque je revis mon passé, où me remonte en rouge, à la face, la rage d’avoir été si sot, et si niais, et si stupidement crédule, et si grossièrement godiche ! Là là ! si c’était à refaire… »

   Il n’acheva pas. Il s’en remit à un demi rire du soin de compléter sa pensée. En même temps, du fourneau de sa pipe tapée au bord de sa soucoupe, tombait un petit volcan de tabac qui se mit à chasser vers le ciel de lentes volutes bleu acier.

   « Tenez, reprit-il ; parmi mes souvenirs de gamin, il y en a un surtout… Ah ! Dieu ! C’est à le faire monter en épingle ! J’achevais ma rhétorique au Lycée Condorcet, lequel, comme l’a dit de Napoléon l’excellent Joseph Prudhomme, n’était encore que Bonaparte. J’y avais pour voisin de banc un certain Robert Lécuyer , très gentil garçon, d’une cancrerie touchante, de qui le père, faiseur célèbre ; dirigeait les Folies-Modernes, dans la rue du Faubourg-Saint-Denis : une façon de théâtricule où triomphaient le vaudeville à couplets et la revue de fin d’année. Ne cherchez pas, jeunes gens ; vous n’avez pas connu. Je vous parle de trente ans, moi ; et vous sommeilliez encore au cœur du chou maternel, que le père Lécuyer était déjà au bagne pour banqueroute frauduleuse. »

   Quelle vieille pratique, ce père Lécuyer ! Quelle canaille !

   Maître escroc, professeur de vol, forban notoire et menteur émérite, il menait une vie fantastique qu’équilibrait tant bien que mal un pilotis enchevêtré de rapines et de tripotages. Car tout lui était bon, tout ! depuis le grotesque grattage exécuté sur le grand livre avec un couteau à huitres, jusqu’au vol d’une pièce de deux sous habilement pêchée au passage, dans la sébile d’un aveugle. Il atteignait à ce summum du malpropre où l’indignation désarme, découragée, mais surtout il excellait, comparablement à pas un, dans le bel art d’exploiter les femmes.

   Là, il devenait presque grandiose.

   Il avait recueilli de droite et de gauche un escadron de belles filles dont il payait royalement les services sur le pied de onze sous par jour, et qu’il ahurissait d’amendes : des deux et trois cents francs par mois ; cent sous pour une sortie de retard ; dix francs pour une entrée manquée ; un louis pour une grimace lancée au régisseur ou un sourire jeté du coin de la lèvre à un spectateur de la salle.

 

Extrait 2 de « Lauriers coupés »

   Ce petit bijou littéraire m‘apparut si étincelant de feux, que j’en demeurai comme stupide, effaré à la seule idée que j’en avais pu être le sertisseur.

   Que de noblesse dans l’expression !

   Que de pittoresque imprévu dans la construction de la phrase !

   Que d’heureuse subtilité dans l’analyse des divers sentiments agitant mes deux personnages !...

   Je vous répète que j’en restai baba. Non sans raison, au demeurant quelle que pût être déjà ma légitime confiance en moi, mon exacte notion de la supériorité intellectuelle dont se plurent à me doter les fées bienfaisantes au jour de ma naissance, je n’eusse oncques cru, je le déclare, que je dusse atteindre à un si surprenant summum : je me complimentai de toutes mes forces, et en même temps, je laissai s’élargir en mon cœur, à la façon d’une tache d’huile, mon mépris pour les imbéciles qui sont mes collègues à la sous-préfecture ; pauvres hères, sinistres crétins, brutes à la lèvre pendante, aux yeux de veau, au cerveau anémié et débile. Entre eux et moi, mentalement, j’établis des comparaisons qui furent tout à mon avantage et, plein de la satisfaction que m’avait causée cette découverte, je me recommençai la lecture de mon article « PAGE D’AMOUR ».

   « PAGES D’AMOUR » supporta triomphalement la redoutable épreuve d’une seconde resucée. J’y trouvai même des beautés qui m’avaient échappé d’abord ; en sorte que, enthousiasmé, je résolus de livrer ce fruit de mon esprit à l’admiration des masses, en l’envoyant, sous la rubrique : « Les chefs-d’œuvre », au Phalanstère de Seine-et-Marne, organe de la localité. Je pliai mon article avec soin, de haut en bas d’abord, de droite à gauche ensuite, et je le glissai sous une enveloppe, non sans l’avoir au préalable signé et paraphé comme suit : « Hugues-Gontran-Ogier-Roboald Luberne-des-Haultes-Futaies » ; car à mon nom patronymique de Michau, j’avais préféré de beaucoup ce pseudonyme moins roturier.

 

Descriptif

Editions Le Livre de poche 1386 de 1964, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués, intérieur assez frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,7 cm, 192 pages

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