Le livre de poche

MAALOUF Amin - Samarcande

Réf: rf-ldp6675
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Description

Extrait 1

   Djahane raconte par le menu, et avec une coupable délectation, les déboires matrimoniaux des grands de ce monde ; renonçant à la blâmer, Omar s’associe maintenant de bon cœur à toutes ses mimiques. Et quand, espiègle, elle menace de se taire, il la supplie, caresse à l’appui, de continuer, alors qu’il sait fort bien comment se termine l’histoire.

   Le Prince des Croyants se résigna donc à dire « oui », la mort dans l’âme. Dès que la réponse lui fut parvenue, Tughrul prit la route de Baghdad et, avant même d’atteindre la ville, il dépêcha son vizir en éclaireur, impatient de voir quels arrangements avaient déjà été prévus pour le mariage.

   En arrivant au palais califal, l’émissaire s’entendit dire, en termes forts circonstanciés, que le contrat de mariage pouvait être signé, mais que la réunion des deux époux était hors de question, « vu que l’important est l’honneur de l’alliance, et non la rencontre. »

   Le vizir était exaspéré, mais il se domina.

   - Comme je connais Tughrul-Beg, expliqua-t-il, je puis vous assurer, sans aucun risque d’erreur, que l’importance qu’il accorde à la rencontre n’est nullement secondaire.

   De fait, pour insister sur l’ardeur de son désir, le sultan n’hésita pas à mettre ses troupes en état d’alerte, à quadriller Baghdad et à encercler le palais du calife. Ce dernier dut cesser le combat ; la « rencontre » eut donc lieu. La princesse s’assit sur un lit tapissé d’or, Tughrul-Beg entra dans la chambre, baisa le sol devant elle, « puis l’honora, confirment les chroniqueurs, sans qu’elle écarte le voile de son visage, sans rien lui dire, sans s’occuper de sa présence. » Désormais, il vint la voir chaque jour, avec de riches cadeaux, il l’honora chaque jour, mais pas une seule fois elle ne le laissa voir son visage. A sa sortie, après chaque « rencontre », nombre de gens l’attendaient, car il était de si bonne humeur qu’il accordait toutes les requêtes et offrait des cadeaux sans compter.

 

Extrait 2

   Dans les années et les décennies à venir, d’innombrables messagers d’Alamout connaitront la même mort, avec cette différence qu’ils ne chercheront plus à fuir. » Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, leur enseigne Hassan, nous ne sommes pas des meurtriers mais des exécuteurs, nous devons agir en public, pour l’exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille. Cependant, il ne suffit pas d’exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d’entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse nous forçons l’admiration de la foule. Et de cette foule des hommes sortiront pour se joindre à nous. Mourir est plus important que tuer. Nous tuons pour nous défendre, nous mourons pour convertir, pour conquérir. Conquérir est un but, se défendre n’est qu’un moyen. »

   Désormais, les assassinats auront lieu de préférence le vendredi, dans les mosquées et à l’heure de la prière solennelle, devant le peuple réuni. La victime, vizir, prince, dignitaire religieux, arrive, entourée d’une garde imposante. La foule est impressionnée, soumise et admirative. L’envoyé d’Alamout est là, quelque part, sous le plus inattendu des déguisements. Membre de la garde par exemple. A l’heure où tous les regards sont rassemblés, il frappe. La victime s’écroule, le bourreau ne bouge pas, il hurle une formule apprise, affecte un sourire de défi, attendant de se laisser immoler par les gardes déchaînés puis dépecer par la foule apeurée. Le message est arrivé ; le successeur du personnage assassiné se montrera plus conciliant à l’égard d’Alamout ; et dans l’assistance il y aura dix, vingt, quarante conversions.

   On a souvent dit, au vu de ces scènes irréelles, que les hommes de Hassan étaient drogués. Comment expliquer autrement qu’ils aillent au-devant de la mort avec le sourire ? On a accrédité la thèse qu’ils agissaient sous l’effet du Haschisch. Marco Polo a popularisé cette idée en Occident ; leurs ennemis dans le monde musulman les ont parfois appelés haschichiyoun. » Fumeurs de hachisch », pour les déconsidérer ; certains orientalistes ont cru dans ce terme l’origine du mot « assassin » qui est devenu, dans plusieurs langues européennes, synonyme de meurtrier. Le mythe des assassins n’en été que plus terrifiant. 

 

Descriptif

Editions Le livre de poche 6675 année 1989 ISBN 2253051209, état général assez bon, couverture souple, tranche et dos un peu marqués et passés, pages moyennement jaunies, livre d’occasion broché format poche de 11,2x16,7 cm, 386 pages

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