Extrait

   Beauclair était pressé d’aller avertir Mazarin de ce qu’il venait de voir et d’entendre. La situation devenait critique. Ce complot en passe d’aboutir annonçait des jours sombres. Il était urgent d’agir si l’on voulait éviter le pire : le pouvoir fracassé, peut-être une révolte populaire, comme deux ans auparavant, à cette différence près que toutes les factions étaient maintenant rassemblées, et ce pour délivrer, par une facétie tragique de l’Histoire, celui-là même, Condé, qui naguère l’avait matée. Mais le récit alarmant de Beauclair ne sembla pas troubler le cardinal. Il le vit aussi maître de lui que d’habitude.

   « Bah ! », se contenta-t-il de dire en caressant la tête d’Epicure, le gros matou gris qui était devenu son compagnon de solitude après la disparition de Pharaon. C’était un animal farouche, difficile à approcher, et qui à l’ordinaire faisait mauvais accueil aux nouvelles têtes, allant jusqu’à cracher à leur vue et, vis-à-vis de qui insistait, capable de griffer ou de mordre. Tout le contraire du cardinal. Rien à voir non plus avec le philosophe de la tranquillité de l’âme en mémoire de qui Mazarin, fin lettré, avait baptisé le chat. A moins qu’il n’eût voulu par un jeu des contraires, laisser transparaître en le dénommant ainsi sa propre violence cachée. Quoi qu’il en fût, Beauclair était parvenu à trouver grâce auprès d’Epicure, qui allait jusqu’à l’autoriser à le caresser derrière les oreilles, ce qui avait étonné le cardinal.

Descriptif

Editions J’ai lu 8740 année 2008 ISBN 9782290008607, bon état général, couverture souple, tranche et dos légèrement passés et marqués, intérieur frais, livre d’occasion broché format poche de 11,2x18,2 cm, 544 pages.